La présence juive à Poitiers remonte au Bas Moyen Age. Saint Fortunat, évêque de Poitiers (en 600) dans un de ses écrits évoqua l’un de ses prédécesseurs, Saint Hilaire (de 349 à 367) qui prétendait tenir les Juifs à l’écart des Chrétiens. Ce que contesta l’historien Bernard Blumenkrantz apportant la preuve que les Juifs, dès cette époque, participaient tout à fait à la vie poitevine. Dans tous les cas cette controverse témoigne assurément d’une présence juive dès le Bas Moyen-âge.
Présence attestée par une découverte effectuée dans une ancienne demeure du XIIIème siècle, située au 9 rue Descartes. Dans l’un des éléments de sa construction les archéologues trouvèrent une pierre portant une inscription hébraïque « Yehouda B. ». Il s’agissait d’une pierre tombale attestant la présence d’une communauté juive à Poitiers disposant d’un cimetière.
Cette communauté vécut dans deux quartiers. L’actuelle rue de Penthièvre est annoncée comme « l’ancienne rue de la synagogue ». En fait il s’agit de l’unique « rue des Juifs » dans laquelle la communauté s’entassait sur une longueur de 100 mètres. La nuit, lorsque le couvre feux sonnait, deux portes lourdes se refermaient sur le « ghetto » empêchant tout déplacement nocturne. Ces portes existaient encore au XIXème siècle avant d’être détruites entre 1850 et 1890. En fait, cette rue représente le second quartier juif. Le premier se situait dans une venelle appelée alors la « rue de la Juiverie », l’actuelle rue d’Oléron, d’où l’ordonnance de Philippe le Bel les chassa en 1306. Quelques années plus tard, au prix de lourdes taxes ils revinrent à Poitiers s’installer dans l’actuelle rue de Penthièvre qu’ils abandonnèrent en 1394, quand les Juifs durent quitter définitivement le royaume de France.
Une absence de cinq siècles ! En septembre 1939, après la déclaration de guerre, l’Etat-Major organisa le transfert des populations de l’Est vers l’Ouest de la France. Le département de la Vienne accueillit celles de la Moselle. Parmi les 54000 Mosellans se trouvaient 800 Juifs qu’accompagnait Elie Bloch, rabbin de la jeunesse de Metz, nommé pour l’occasion, aumônier des populations juives évacuées.
Âgé de 30 ans, le rabbin déploya tout son dynamisme pour créer des institutions juives indispensables à toute vie communautaire dans un cadre concordataire. Après bien des difficultés il parvint à mettre en place un abattage rituel. A son domicile, 1 bis rue Maillochon, aujourd’hui disparue, il aménagea un oratoire d’une quarantaine de places. Il casa le vénérable Hospice de Metz dans une grande maison du hameau de Naintré, sur la commune de Saint Benoit. Des fidèles assurèrent les cours de Talmud Torah des petits et moyens enfants, le rabbin se réservant les garçons en âge de la bar mitsva ainsi que les cours d’instruction juive dispensés aux élèves concordataires des collèges et lycées. Seul rabbin entre Loire et Garonne, ses activités s’élargirent à toutes les populations juives de l’Ouest. Le jeune rabbin répondait à toutes leurs demandes ; il organisa le culte et la vie juive de La Rochelle à Angoulême, réconfortant des populations ballotées par ces évènements dramatiques. La fête de Pessah de 1940, marqua la réussite de sa mission. Il parvint à livrer près de cinq tonnes de matsot à toutes les familles évacuées sur cinq départements.
Après la défaite et les lois antisémites de Vichy, la situation des Juifs se dégrada rapidement. Le 15 juillet 1941, les autorités arrêtèrent les premiers Juifs de la Vienne pour les interner dans le camp de la route de Limoges à Poitiers. Ce camp réservé aux Nomades accueillit les victimes de la grande rafle du 16 juillet 1942 et toutes celles qui suivirent jusqu’à la fin de la guerre. Dans ce camp, les Allemands internèrent tous les Juifs arrêtés dans les départements de la région. Le 18 juillet 1942, un premier transfert conduisit à Drancy, via Angers, les premiers déportés vers Auschwitz.
Avant d’être interné à son tour, Elie Bloch essaya d’atténuer la situation tragique des internés frappés par les maladies et souffrant du manque de nourriture. Il leur procura des vivres, des médicaments et des vêtements. Avec l’aide du père Fleury, l’aumônier des Nomades il réussit à extraire des enfants pour les placer chez des particuliers ou des institutions catholiques, les sauvant de la sorte de la déportation.
Du 18 juillet 1942 au 5 mai 1944, en 12 transferts par trains de Poitiers à Drancy, 1596 Juifs, dont le rabbin Elie Bloch, son épouse Georgette et leur fille Myriam, connurent Drancy, l’antichambre de la Mort puis la déportation sans retour. Un bilan qui aurait pu s’élever à un plus grand nombre de victimes sans le concours apporté au rabbin par les Justes du Poitou conduit par le père Jean Fleury et son équipe de catholiques poitevins, préservant plusieurs centaines de Juifs d’une mort programmée.
A la Libération, encouragés par les soldats juifs américains qui avaient installé un lieu de prières dans la caserne des Dunes, les quelques rescapés des persécutions se regroupèrent autour de Nissim Missistrano et Roger Goldenstein de L’optique du Palais, Peu de temps après, Salomon Hofnung, un Messin qui avait bien connu le rabbin Bloch, revint à Poitiers qu’il avait quitté en 1941 pour rejoindre en 1942 le groupe de Résistants « Philippe » dans le massif de Narnhac, dans le Cantal.
A partir de 1962, l’arrivée des Juifs d’AFN bouleversa la vie juive poitevine. Salomon Hofnung les accueillit et les aida dans leur installation. Il leur offrit son domicile du 3, boulevard de Verdun, pour en faire un oratoire où se déroulèrent les offices religieux ainsi que les bar mitsvot.
En 1978, la communauté juive de Poitiers créée officiellement et présidée par M. Hofnung, s’installa dans un local à l’angle du boulevard du Pont Achard et de la rue Guynemer. La plupart des fêtes et Chabbat y étaient célébrées donnant une certaine vigueur à la vie juive de Poitiers et des environs. En 2007, la communauté, désormais présidée par Jacques Mergui, déménagea dans le local actuel plus vaste et plus confortable. Aujourd’hui, la communauté fait appel régulièrement à la Hazac pour assurer ses chabbat. Enfin, grâce à la célébration des fêtes de Tichri, de Pourim, de Pessah et des cours d’hébreu qui y sont assurés, elle maintient une vie juive dans le Poitou, où elle anime activement le dialogue judéo-chrétien.
Télécharger la liste mohalims faisant partie de l’AMF (Association des Mohalims français).
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